Bourse : Pourquoi le style Value revient en force

Thumbnail [16x6]

Les actions ‘value’ ont mieux performé que les actions de croissance depuis le début de l’année, mais ce retour en force du style ‘value’ devrait être différent de celui de 2021.

Selon Nicolas Simar, gérant senior, actions européennes à haut dividende chez NN Investment Partners, “le retour en force du style ‘value’ observé l’année passée a principalement bénéficié aux actions ‘deep value’ dans des secteurs qui avaient plus fortement souffert, comme les voyages, les compagnies aériennes et les loisirs. 

Nombre de ces secteurs ne distribuent cependant pas de dividendes en raison de leurs faibles cash-flows et de leur bilan sous pression. Cette année, alors que les marchés deviennent plus volatils et affichent une direction moins marquée, le facteur des dividendes pourrait redevenir important. En Europe, les dividendes procurent sur le long terme près de 40% du rendement total des investisseurs.”

Valeur versus croissance

Depuis la crise financière de 2008, l’investissement axé sur la valeur a été délaissé étant donné que les faibles taux d’intérêt et l’impact de l’assouplissement quantitatif ont propulsé les valorisations des entreprises de croissance à la hausse. Alors que l’inflation et la perspective de taux d’intérêt plus élevés influent actuellement sur les décisions des investisseurs, nous pourrions toutefois nous trouver à un tournant. Après un faux départ en 2021, les stratégies ‘value’ font mieux que les stratégies axées sur la croissance depuis novembre 2021, le secteur de la technologie – en particulier les actions les plus spéculatives au sein de celui-ci – ayant essuyé une sévère correction.

Historiquement, la dominance d’un style d’investissement par rapport à l’autre peut durer de nombreuses années avant qu’un revirement ne s’opère. Le fameux ‘rally’ du style ‘value’ qui a débuté au milieu des années 1970 s’est poursuivi pendant près de deux décennies avant que la croissance ne prenne le relais avec un rebond qui s’est terminé par le développement et ensuite l’éclatement de la bulle internet. Le cycle dominé par la croissance le plus récent a débuté avec la résolution de la crise financière, lorsque les banques centrales ont eu recours à une politique monétaire non conventionnelle pour faire baisser les taux et doper la reprise économique.

Ceci a entraîné de grands écarts de valorisation entre les actions de croissance et ‘value’, lesquels ont dépassé les sommets observés lors de la bulle technologique de la fin des années 1990. Ces valorisations extrêmes ont ouvert la voie à un renversement des performances de ces styles et le changement de cap de la politique des banques centrales en raison des risques inflationnistes croissants a constitué le catalyseur pour sa matérialisation.

Une rotation différente

Nicolas Simar ajoute : “Le rebond des actions ‘value’ a connu deux phases. La première a eu lieu après le succès des programmes de vaccination, lorsque les économies ont commencé à se redresser. Ceci a surtout profité aux entreprises qui avaient vu leur demande se tarir ou qui avaient fortement souffert des perturbations au sein de la chaîne d’approvisionnement. Nous pensons que la deuxième phase, la rotation de cette année, est différente. L’inflation élevée persistante a des conséquences et, dans ce contexte, les gagnants et les perdants sont d’autres segments d’actions.

“Les valeurs financières, par exemple, profiteront de la hausse des taux. Lorsque les taux d’intérêt sont faibles, voire négatifs, l’écart entre les taux payés et reçus par les banques diminue, de sorte que leur marge bénéficiaire est sous pression. Lorsque les taux augmentent, la rentabilité des banques devrait dès lors également croître. Les actions des secteurs de l’énergie et des matériaux bénéficient pour leur part clairement de la solide demande pour les matières premières.”

Parallèlement aux meilleures performances de ces secteurs qui distribuent traditionnellement des dividendes plus élevés, les stratégies axées sur les dividendes devraient tirer profit d’autres avantages dans le contexte actuel. Pour les investisseurs privilégiant les revenus, elles offrent une certaine protection contre l’inflation puisque les dividendes devraient augmenter de concert avec les bénéfices des entreprises. Et lorsque les marchés deviennent plus volatils et affichent une direction moins marquée, le seul élément du rendement total des actions pour lequel il existe une bonne visibilité est la distribution de dividendes. Sur un marché mature tel que l’Europe, les dividendes représentent près de 40% du rendement total sur le long terme.

Approche en matière de dividendes

Il n’est cependant pas suffisant de miser sur les actions à haut rendement. Les actions aux caractéristiques obligataires –les ‘bond proxies’ définies comme les actions d’entreprises de secteurs caractérisés par une croissance bénéficiaire régulière mais lente et, par conséquent, des dividendes stables – pourraient voir leur avantage de rendement érodé par l’inflation et la hausse des taux. Ceci pourrait nuire à des secteurs tels que les soins de santé, pour lesquels la tarification des médicaments est relativement indépendante des tendances économiques avec un risque que la croissance du dividende reste à la traîne par rapport à la hausse de l’inflation. Pour d’autres actions, un rendement du dividende plus élevé peut être un signe de détresse – une indication que le marché pense que l’entreprise sera incapable de conserver le taux de distribution actuel – et il convient alors de les éviter.

NN IP se concentre sur les dividendes de qualité distribués par des entreprises générant des cash-flows croissants et ayant l’habitude de distribuer des liquidités à leurs actionnaires tout en réinvestissant dans la croissance. Aujourd’hui, cela nécessite aussi d’identifier les entreprises avec un pouvoir important en matière de tarification, qui sont en mesure de répercuter la hausse des coûts des matières premières sur les consommateurs.

Nicolas Simar poursuit : “Au sein du secteur des biens de consommation, nous avons accru notre exposition au segment du luxe. Alors que les producteurs de denrées alimentaires pourraient avoir des difficultés à répercuter la hausse de coûts tels que l’énergie et les matières premières agricoles, les fabricants d’articles de luxe ne semblent guère avoir de problèmes pour augmenter le prix d’un sac de marque ou d’une montre haut de gamme de 10%.”

Cet accent mis sur la qualité permet aussi au fonds d’intégrer des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. Cette intégration peut se révéler difficile pour les fonds ‘value’ et axés sur les dividendes qui peuvent être orientés vers les entreprises de l’ancienne économie. Nicolas Simar ajoute : “Nous visons une intensité carbone inférieure à celle de nos indices de référence. En détenant des entreprises affichant un meilleur score ESG et moins polluantes au sein de nos stratégies, nous pouvons même surpondérer des secteurs tels que l’énergie tout en conservant une empreinte carbone inférieure à celle de l’indice large.”